Fair Isaac (NYSE : FICO), le géant de l’analyse de crédit fondé il y a 70 ans par l’ingénieur William Fair et le mathématicien Earl Isaac, a vu son action chuter fortement ces dernières semaines. Mais il reste à savoir si l’entreprise elle-même traverse une crise sérieuse.
Depuis le 19 mai, l’action a dégringolé de 39 %. Le 21 mai, le directeur de la Federal Housing Finance Agency (FHFA), Bill Pulte, a vivement critiqué les hausses de prix imposées par FICO ces dernières années pour les scores de crédit utilisés dans les demandes de prêts hypothécaires. Il a notamment pointé l’augmentation de 41 % en 2024, faisant passer le tarif de 3,50 $ à 4,95 $ par score pour les prêts immobiliers.
Puis, le 8 juillet 2025, Pulte a annoncé que Fannie Mae et Freddie Mac accepteraient immédiatement le VantageScore 4.0 comme alternative au FICO pour l’évaluation du crédit immobilier. VantageScore, fondé en 2006 par les agences de crédit Equifax (NYSE : EFX), Experian et TransUnion (NYSE : TRU), est un concurrent bien plus modeste que FICO.
Environ 90 % des principaux prêteurs hypothécaires utilisent FICO. Et les scores liés aux prêts immobiliers représentent entre 15 % et 30 % du chiffre d’affaires de FICO, selon le service d’intelligence artificielle Grok. Cela dit, le marché de FICO en dehors de l’immobilier est bien plus vaste : 99 % des scores FICO sont achetés par des clients en dehors du secteur hypothécaire.
Une relation complexe avec les agences de crédit
FICO entretient une relation particulière avec Equifax, Experian et TransUnion : elle est à la fois leur cliente, leur fournisseur… et leur concurrente. FICO achète des données de crédit auprès des trois agences, puis applique ses algorithmes pour générer le célèbre score FICO – un chiffre généralement compris entre 300 et 850, qui détermine souvent l’octroi d’un prêt.
Une fois les scores établis, FICO facture des redevances aux agences pour la vente de ces scores aux prêteurs. FICO ne vend pas directement aux banques. En parallèle, via leur coentreprise VantageScore, les agences de crédit tentent de concurrencer FICO sur ce même marché.
Au fil des années, FICO a pratiquement monopolisé le marché du crédit immobilier, ce qui lui a permis d’augmenter ses tarifs : de 0,60 $ en 2018 à 4,95 $ aujourd’hui — soit plus de huit fois plus. Les prêteurs acceptaient ces hausses car ils pouvaient répercuter le coût sur les emprunteurs via les frais de dossier.
On suppose que VantageScore est moins cher, mais ses prix ne sont pas publics. Même si c’est le cas, rien ne garantit que les prêteurs changeront de système : cela nécessiterait une coordination complexe entre tous les acteurs du secteur (consommateurs, banques, régulateurs, investisseurs, assureurs, etc.) qui doivent tous utiliser la même référence.
FICO reste très rentable
Les prêteurs pourraient donc continuer à privilégier FICO malgré son coût. Par ailleurs, l’arrivée d’un concurrent pourrait pousser FICO à revoir ses tarifs à la baisse.
Une chose est sûre : FICO gagne beaucoup d’argent. Son chiffre d’affaires a bondi de 20 % au deuxième trimestre (clos le 30 juin), atteignant 536 millions de dollars. Son bénéfice a grimpé de 44 %, à 182 millions de dollars.
Son quasi-monopole a permis à son action de générer des rendements spectaculaires : malgré sa récente chute, FICO affiche un rendement annualisé de 31,1 % sur les dix dernières années — plus du double de celui du S&P 500, qui est de 13,7 %.
L’action reste néanmoins considérée comme surévaluée : elle se négocie à 37,3 fois les bénéfices prévisionnels, bien au-dessus du ratio de 22,2 du S&P 500. Elle est valorisée comme une action liée à l’intelligence artificielle.
Si FICO continue sur sa lancée, cette valorisation pourrait se justifier. Mais si VantageScore parvient à grignoter des parts de marché, des difficultés pourraient s’annoncer pour l’entreprise.
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