L’armée américaine est ordonnée à entrer dans l’ère des drones

L’armée américaine, la force terrestre la mieux financée et technologiquement la plus avancée au monde avec un budget annuel d’environ 185 milliards de dollars, a reçu l’ordre de se préparer à l’ère des drones. Les missiles à longue portée et l’impression 3D sont désormais en vogue alors que les Humvees et les aéronefs pilotés sont en déclin.

« Pour construire une force plus agile et plus létale, l’Armée doit se transformer à un rythme accéléré en abandonnant les programmes obsolètes, redondants et inefficaces », a déclaré le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, dans une note adressée aux dirigeants du Pentagone à la fin du mois dernier, dans laquelle il exposait une stratégie de transformation remplie de termes à la mode tels que « commandement piloté par IA », « mobilité anti-UAS » et « domination électromagnétique et aéro-littorale ».

« Dissuader la guerre, et si nécessaire, gagner sur le champ de bataille en évolution rapide exige des soldats physiquement et mentalement résilients, rigoureusement entraînés, et équipés des meilleures technologies disponibles », a-t-il ajouté.

Bien que cela ressemble à un scénario tout droit sorti d’un film de science-fiction, au cœur de ce plan axé sur la technologie se trouve l’objectif de dominer l’espace aérien et le spectre sans fil entre la surface de la Terre et environ 3 000 mètres d’altitude. Il s’agit d’altitudes où les avions de chasse de l’Armée de l’air opèrent habituellement, mais avec l’avènement des drones utilisés dans des conflits tels que la guerre russo-ukrainienne, cette zone devient de plus en plus le nouveau front où les armées mènent la guerre moderne.

Hegseth vise à réaliser une grande partie de cette transformation d’ici 2027, soulignant la rapidité avec laquelle il souhaite avancer. Le Wall Street Journal a rapporté que cette réorganisation—la plus importante depuis la guerre froide—coûtera 36 milliards de dollars. Les aéronefs sans pilote pourraient être utilisés pour transporter des fournitures, en plus des missions de surveillance et d’attaque.

Le cycle de l’engouement

Les entreprises spécialisées dans la technologie des drones pour des fins de défense ont vu leurs actions augmenter grâce à la perspective d’un boom des dépenses militaires américaines. Textron (NYSE : TXT)—spécialisée dans les systèmes d’aéronefs sans pilote—a gagné 13,9 % au cours du mois dernier, tandis qu’AeroVironment (NASDAQ : AVAV) a bondi de 16,7 % et Axon Enterprise (NASDAQ : AXON) a augmenté de 20,4 %. Les petites entreprises fabriquant des systèmes et des logiciels associés comme BigBear.ai (NYSE : BBAI) et Kratos Defense & Security Solutions (NASDAQ : KTOS) ont connu des hausses importantes au cours de l’année écoulée.

Cependant, le secteur reste volatile, et de nombreuses startups américaines cherchant des contrats gouvernementaux lucratifs ont rencontré des revers lorsque leur technologie a été effectivement déployée sur le terrain. James Rogers, directeur exécutif de l’Institut de politique technologique de l’Université Cornell, a déclaré que le véritable défi à venir sera de dépasser l’engouement et de se concentrer sur les drones qui peuvent réellement être activés lors du déploiement des forces américaines, par rapport aux capacités existantes telles que les munitions guidées de précision et l’artillerie à longue portée. En d’autres termes, il y aura beaucoup de bruit à filtrer.

« La guerre en Ukraine a offert une preuve de concept : des drones bon marché et en réseau peuvent perturber des plateformes coûteuses et remodeler la perception du champ de bataille avec bien moins de risques que des systèmes pilotés », a déclaré Sarah Kreps, professeure de gouvernement et de droit à Cornell, ajoutant que les nouveaux plans américains peuvent être plus faciles à imaginer qu’à réaliser.

« L’efficacité de l’Ukraine est venue de l’improvisation, de l’asymétrie et de l’intégration profonde des technologies civiles, des facteurs qui ne se transposent pas aisément dans l’armée américaine », a-t-elle poursuivi. « Le véritable combat pourrait être interne, entre des intérêts enracinés et la culture organisationnelle, et la pression pour moderniser. »

La course aux armements mondiale

Le marché mondial des drones—évalué à 48 milliards de dollars l’année dernière—devrait croître de près de 12,5 % par an et atteindre 123 milliards de dollars d’ici 2032. Mais derrière les projections ambitieuses et les grands projets rapides se cache le fait que les États-Unis sont bien en retard par rapport à la concurrence et ont beaucoup à rattraper. L’armée chinoise déploie rapidement des drones alimentés par IA, la télévision d’État annonçant le mois dernier un « micro-drone » pesant moins d’un kilogramme. Le China Aerospace Studies Institute—un groupe de réflexion du Département de l’Air américain—utilisait un récent article pour documenter comment le géant asiatique développait une technologie de nuées de drones, initialement manifestée dans des spectacles lumineux commerciaux avant d’être rapidement adaptée à des fins militaires.

« La production de drones de la Chine en 2024 s’élevait à 29,4 milliards de dollars, soit au moins quatre fois le montant dépensé par les États-Unis, avec des coûts unitaires bien inférieurs, d’un ordre de grandeur », a déclaré le représentant de la Caroline du Nord, Pat Harrigan, membre du comité des forces armées de la Chambre des représentants, le mois dernier, soulignant les dangers posés par les petits systèmes d’aéronefs sans pilote.

« Nous sommes arrivés à un point où nous avons des drones à 2 500 dollars qui menacent véritablement des actifs de plusieurs centaines de millions, voire de milliards de dollars », a-t-il ajouté. Cela signifie que ce n’est pas seulement l’industrie de la construction de drones américains qui pourrait exploser, mais aussi celle qui émerge pour détecter et détruire la technologie développée par des forces potentiellement hostiles.

La compétition naissante pour la domination des drones en est encore à ses débuts, et les investisseurs ont un accès unique à toute l’action en raison du nombre important de startups et d’entreprises spécialisées impliquées dans ce secteur qui fusionne la guerre cinétique avec le silicium et le code. Rien de tel qu’une course aux armements mondiaux pour faire couler l’argent.